Constitutionnalité des dispositions supprimant la clause de compétence générale

Le Conseil constitutionnel était saisi, par voie de question prioritaire de constitutionnalité, de la conformité à la constitution de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales issue de la loi Nôtre, qui abroge la clause de compétence générale antérieurement reconnue aux départements au profit de la formulation suivante : « Le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui attribue ».

Les requérants reprochaient au législateur d’avoir méconnu l’article 72 de la constitution qui consacre le principe de libre administration des collectivités territoriales, en supprimant cette clause de compétence générale et en ne prévoyant pas « de dispositif leur permettant d’intervenir dans les domaines pour lesquels aucune autre personne publique ne dispose d’une compétence attribuée par la loi ».

Ce moyen était argumenté au regard d’une précédente décision du Conseil constitutionnel rendue à l’occasion de l’examen de la constitutionnalité de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Etait alors contesté le paragraphe 1 de l’article 73 de la loi qui introduisait, d’une part, la suppression de la clause de compétence générale pour les départements par l’ajout de la formule suivante : « dans les domaines de compétence que la loi lui attribue » et, d’autre part, l’introduction de la formule suivante : « Il peut en outre, par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ».

Dans cette décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel avait notamment estimé que « les dispositions critiquées permettent au conseil général ou au conseil régional, par délibération spécialement motivée, de se saisir respectivement de tout objet d’intérêt départemental ou régional pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique » et par conséquent que le principe de libre administration et le 2ème alinéa de l’article 72 de la constitution n’ont pas été méconnus.

La clause de compétence générale ayant été rétablie par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, le débat avait été temporairement clos.

Lors de l’adoption de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la clause de compétence générale a de nouveau été supprimée par l’introduction de la formule suivante : « dans les domaines de compétence que la loi lui attribue ». Par ailleurs, la possibilité de se saisir de tout objet d’intérêt départemental ou régional a été supprimée.

Cette loi a été déférée au Conseil constitutionnel par saisine de plus de 60 députés et de plus de 60 sénateurs, invoquant le grief de l’inconstitutionnalité de l’article 59 de ladite loi, relatif aux modalités de répartition des sièges de conseiller de la métropole du Grand Paris attribués à la commune de Paris et au mode d’élection de ces conseillers métropolitains. Par décision en date du 6 août 2015 (CC, déc. n° 2015-717 DC) le conseil constitutionnel a considéré qu’il y avait une méconnaissance du principe d’égalité devant le suffrage et déclaré non-conforme à la constitution certaines dispositions du dit article.

Dans le cadre de cette décision, le Conseil constitutionnel n’avait cependant pas examiné la constitutionnalité des dispositions supprimant la clause de compétence générale, problématique qui lui a été posée dans le cadre de la présente question prioritaire de constitutionnalité.

Au terme d’un raisonnement fondé sur deux points, qui vient conforter l’appréciation jurisprudentielle du contenu du principe de libre administration garanti par l’article 72 de la constitution, le Conseil constitutionnel a considéré que ce principe n’était pas méconnu.

En effet, le Conseil constitutionnel a, dans un premier temps, fait mention du champ d’application de ce principe en indiquant que le troisième alinéa de l’article 72 de la constitution et l’article 34 de la constitution « impliquent que toute collectivité territoriale doit disposer d’une assemblée délibérante élue dotée par la loi d’attributions effectives, qu’il est loisible au législateur d’énumérer limitativement ».

Ainsi, dans le droit fil de sa jurisprudence (voir pour la première décision en ce sens, CC, déc. n° 85-196 DC, 8 août 1985 cons. 10), le Conseil constitutionnel a rappelé que le respect du principe de libre administration s’apprécie notamment au regard de l’existence d’attributions effectives pour l’assemblée délibérante et précise, en l’espèce, que le législateur peut les énumérer limitativement.

Il en tire donc la conséquence suivante : « le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution n’implique pas, par lui-même, que les collectivités territoriales doivent pouvoir intervenir dans les domaines pour lesquels aucune autre personne publique ne dispose d’une compétence attribuée par la loi ».

Fidèle à sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel a, dans un second temps, contrôlé l’absence d’atteinte disproportionnée au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. A cet égard, il relève que : « compte tenu de l’étendue des attributions dévolues aux départements par les dispositions législatives en vigueur, qu’il s’agisse de compétences exclusives, de compétences partagées avec d’autres catégories de collectivités territoriales ou de compétences susceptibles d’être déléguées par d’autres collectivités territoriales, les dispositions contestées ne privent pas les départements d’attributions effectives ».

Partant, il en a conclu que la disposition déférée était conforme à la constitution.

Ainsi, si cette décision a été rendue à propos de la clause de compétence générale du département, il fait peu de doutes que le raisonnement est transposable à la suppression de celle des régions. Cette double disparition parait donc avoir vocation à être pérenne sauf nouvelle intervention législative. CC, déc. n° 2016-565 QPC du 16 septembre 2016

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